Burkina Faso: les étudiants expulsés de la cité universitaire

(De Ouagadougou) Alors que l’université de Ouagadougou traverse une crise, les responsables optent pour la fuite en avant: fermeture des amphis, des restaurants, et même des cités U, suspension du versements des bourses… jusqu’à nouvel ordre. Les résidents ont appris qu’ils devaient faire leurs valises et partir.

Gounghin, un quartier de Ouagadougou, la capitale du Burkina. La rue Toabga abrite l’immeuble qui sert de neuvième cité universitaire de la ville.

Jean est étudiant en deuxième année de Sciences de la vie et de la terre à l’université de Ouagadougou. Venu de Gagnoa, ville ivoirienne où résident ses parents, il était logé dans la chambre 202 de l’immeuble. Il a été invité samedi à quitter les lieux avant 18 heures le lendemain, dimanche 29 juin. Comme lui, 500 étudiants ont dû déguerpir, sans trop savoir où.

L'université de Ouagadougou connaît des jours difficiles. Le 17 juin, étudiants et forces de l'ordre se sont affrontés. Les étudiants réclamaient de meilleures conditions de travail. Plusieurs dizaines d'entre eux ont été arrêtés. L'université de Ouagadougou et l'université Ouaga II ont été fermées vendredi dernier sur décision du ministère burkinabé des Enseignements.

Ils nous ont volés

Le lendemain, le directeur général du centre des œuvres universitaires a invité les résidents des différentes cités universitaires de la ville de Ouagadougou à "prendre toutes les dispositions nécessaires pour libérer leurs chambres… au plus tard le dimanche 29 juin 2008 à 18 heures précises".

A 18 heures 20, dimanche, Jean ne sait où aller. Il n’a pas non plus d’argent pour joindre ses parents par téléphone, il espérait obtenir le dernier versement de la bourse que lui accorde l’Etat. Il aurait dû l’avoir le 2 juillet. Mais tout est suspendu. Ses bagages bien empaquetés sont placés devant la porte fermée de la cité. Or, "ils nous ont volés, car nous avons payé pour rester jusqu’à fin juillet. C’est cela notre contrat de bail…", se fâche un expulsé. Et Jean de poursuivre:

"Je ne conseille pas aux nouveaux bacheliers de venir en cité. S’ils n’ont pas de logeurs à Ouagadougou, qu’ils s’arrangent pour faire une collocation. Car la cité ne vaut rien, du jour au lendemain on se retrouve dans la rue…"

Les étudiantes condamnées à la prostitution?

Inscrite en deuxième année d’études anglophones, Aïcha, quant à elle, n’a pas mis de temps à trouver un logeur. Un coup de fil passé à Harouna et une Toyota se gare quinze minutes plus tard…

"C’est un copain que j’avais envoyé paître, mais je n’ai plus le choix. Nous allons vivre le petit mariage jusqu’à la levée de la mesure du ministre. Et ça, ce n’est pas de la prostitution. Juste un arrangement."

Pendant l’année académique, Aïcha sort avec un jeune étudiant de la même année qu’elle. Mais aujourd’hui, elle se désole:

"Il ne peut même pas se prendre en charge lui-même. Et moi je n’arrangerai pas les choses en partant avec lui. Donc, c’est avec son accord que j’irai loger chez Harouna… en attendant."

Les filles qui n’avaient pas encore trouvé de "tuteurs" se voient proposer les services de certains garçons, parfois plaisantins. Ainsi Mariam et Ramata ont été invitées par Kassoum à coucher tour à tour chez lui. Ramata s'emporte:

"Même si je n’ai personne pour m’héberger, je ne prêterai pas le flanc à la prostitution. Pas question. Certains sont comme si leur sexe était situé sur le front…"

Mariam, qui est restée longtemps silencieuse, situe la responsabilité au niveau du gouvernement:

"Il aurait dû nous laisser finir le mois de juillet, en nous versant notre bourse d’étude. Même s’il ne nous accordait plus la cité-vacances…"

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Burkina Faso: Chaude journée entre étudiants et forces de l'ordre

Sidgomdé

L'Université de Ouagadougou a connu une journée chaude hier matin 17 juin 2008. Etudiants et forces de l'ordre étaient à couteau tiré.

Le spectacle est désolant. Des pneus en feu sur le boulevard Charles de Gaulle, à quelques encablures du scolasticat Saint- Camille. Non loin de là, des étudiants, cailloux en mains, empêchaient les usagers d'emprunter le boulevard. Des badauds du quartier Zogona assistent, spectateurs à la scène. Il est 15h, l'opposition des étudiants à la présence des forces de l'ordre et de sécurité à l'université se poursuit.

Mais cette fois, exportée aux quartiers environnants, la police, aidée de la gendarmerie et des agents de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS), règnent en grand maître à l'intérieur de l'université. Un autre groupe à bord de véhicules patrouille. Des coups de fusils larguant les gaz lacrymogènes se font entendre. C'est la débandade pour les étudiants, souvent arrêtés en groupe.

Le spectacle est déplorable. Une marche des étudiants pour réclamer de meilleurs conditions de travail a été réprimée par des forces de l'ordre qui ont même procédé à des arrestations. Le nombre des arrestations reste pour le moment inconnu. "Les policiers ont emporté beaucoup d'étudiants à bord de leurs véhicules", nous a lancé un étudiant. Les bas du pantalon retroussés jusqu'aux genoux, la chemise décolletée, la sueur au front, il se bat depuis ce matin contre l'interdiction de leur marche par l'administration universitaire. Entre deux mots il se met à courir en nous disant ceci : "Mettons-nous de l'autre côté, au risque de nous faire embarquer".

Les raisons de ces manifestations demeurent académiques : exiguïté des salles des Travaux dirigés (T.D), manque de matériels pour les TD, suppression du système modulaire, manque d'enseignants en UFR/SEA et SVT du fait du coup exorbitant du 3e cycle (500 000 F CFA). "Le président de l'Université (ndlr : Jean Kouldiaty) ne veut pas satisfaire nos doléances".

Il durcit le ton lors des rencontres avec les responsables des étudiants, nous a expliqué cet autre étudiant, visiblement actif depuis ce matin. Selon ce dernier, la répression aurait commencé vers 10h lorsque les étudiants allaient vers la présidence de l'Université. "Nous avons été interceptés par la gendarmerie à l'approche de la présidence. Nous avons négocié pendant environ 20 mn. Face au refus des gendarmes, la situation a dégénéré", nous a-t-il confié.

Bilan, de nombreux blessés et beaucoup d'arrestations. Jusqu'à 16h, l'université est restée une forteresse aux mains des forces de l'ordre et de sécurité.

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