Les surprises de la fusion entre les Renseignements généraux et la DST

Comme prévu, les Renseignements généraux (RG) se scindent en deux : une partie de leurs effectifs fusionne avec la DST pour former le renseignement intérieur (RI), une autre rejoint la nouvelle sous-direction de l'information générale (SDIG) au sein de la sécurité publique. Doucement, le partage des missions et des effectifs s'opère, dans le cadre de la réforme mise en oeuvre par Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur. Aux uns, le renseignement en milieu "fermé", la lutte contre terrorisme et la protection des intérêts économiques, aux autres, la surveillance, en milieu "ouvert", des violences urbaines, les sans-papiers, l'environnement, les voyages officiels... Mais première surprise : la traditionnelle section "presse-communication" des RG passe entièrement sous la coupe RI, soumise à l'habilitation "confidentiel défense".

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Cette cellule, chargée des relations avec les médias et de l'information sur ce secteur, aurait dû, en toute logique, rejoindre la SDIG. Il n'en est rien. Bernard Squarcini, futur directeur central du renseignement intérieur disposera d'un bataillon de conseillers directement rattachés à son cabinet dont l'un sera chargé de la communication. Conséquence : le contrôle sur l'information se resserre.

Deuxième innovation : si l'islam traditionnel, comme toutes les religions, reste du domaine de la SDIG, tandis que l'islam radical est du ressort du RI, la future direction centrale du renseignement intérieur pourra, quand elle l'estime nécessaire, et sans prévenir, intervenir dans tous les domaines.

Côté effectifs, chacun devait exprimer des "voeux" quant à son affectation avant le 1er juillet, date de l'entrée en vigueur de la réforme. En apparence, tout se déroule pour le mieux. A l'issue de la réunion statutaire entre la direction de la police et les syndicats, qui devait formellement s'achever jeudi 19 juin, sur 1 544 officiers concernés, 85,52 % ont obtenu satisfaction sur leur premier choix ; 6,35 % sur leur deuxième voeu.

"On a limité la casse, ça s'est plutôt bien passé, indique Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint du syndicat Synergie Officiers. Et dans six mois, on procédera encore à des ajustements." Le 30 mai, c'était au tour des commissaires. "Il y a eu des commissaires déclassés de postes, sans affectation mais nous avons pu finalement tout régler au cas par cas", raconte Sylvie Feucher, secrétaire générale du syndicat des commissaires, le SCPN. "Je regrette quand même, ajoute-t-elle, que la réforme ait dû se faire dans l'urgence, au détriment de la qualité des ressources humaines."

Le coeur n'y était pas lors du "pot de l'amitié" des RG, organisé par la direction mercredi 18 juin après-midi, dans la salle du restaurant d'entreprise au siège du renseignement intérieur, à Levallois (Hauts-de-Seine). Moins d'un tiers des directeurs départementaux avaient fait le déplacement. Les agapes ont été vite expédiées, à l'issue des quelques mots prononcés par le directeur central des RG, Joël Bouchité, en présence du directeur général de la police national, Frédéric Péchenard, et de M. Squarcini.

"Dans le cadre de la fusion des services ST/RG, un nouvel horizon s'ouvre à vous, a déclaré M. Bouchité, qui devrait lui-même bientôt quitter ses fonctions. C'est un signe de l'adaptation des structures de police aux menaces nouvelles." "Cette réforme, s'est-il félicité, s'est opérée dans un contexte favorable. Sans pression exogène, sans scandale". Un dernier hommage, "aucun radar, aucun satellite, aucune caméra ne vaut l'homme engagé sur le terrain", un dernier auto-satisfecit, "nous intégrons la réforme (...) avec une maison en parfait état de fonctionnement et de performance", et le tour était joué. Fin des RG.

Mais la peur de se retrouver en commissariat, comme à Grenoble, a poussé nombre de RG à opter pour le renseignement intérieur au détriment du pôle information générale. A la tête de la SDIG, Serge Guillen, a dû déployer des trésors de persuasion et d'énergie pour récupérer le millier de fonctionnaires qu'il escomptait. A Marseille, sur les 100 policiers des RG, il n'en reste plus que 27 en IG ! Tous les autres ont opté pour le renseignement intérieur, quitte, pour cela, à requalifier des violences urbaines en violences inquiétantes... Résultat : la SDIG devra envoyer, depuis Paris, 100 hommes pour anticiper et surveiller les trois voyages officiels prévus à Marseille au mois de juillet...

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Les mineurs pourront être fichés dès 13 ans

Les mineurs "susceptibles de porter atteinte à l'ordre public", notamment pour des violences urbaines, pourront être fichés dès l'âge de 13 ans dans un fichier policier créé par un décret paru mardi au Journal officiel (JO), au sujet duquel la Cnil a émis de sérieuses réserves. Selon le décret, le fichier, appelé Edvige, contiendra des "données à caractère personnel" concernant "des personnes physiques âgées de 13 ans et plus" avec notamment l'état civil, les adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques, ainsi que les "signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement". Les informations collectées sont notamment "relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public".

Des données peuvent aussi être collectées sur les personnes "ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique", ou jouant un "rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif". Jusqu'à présent, les mineurs pouvaient être fichés mais seulement dans des bases de données recensant des infractions commises (comme le Stic de la police) ou des auteurs d'infractions (comme le Fijais en matière sexuelle) ou des empreintes (fichiers des empreintes digitales ou des empreintes génétiques). Le décret instituant Edvige pour "Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale paraît le 1er juillet, le jour même où entre en vigueur la réorganisation issue de la fusion des Renseignements généraux (RG) avec la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage).

Le fichier ne vise qu'à "l'information générale du gouvernement"

Le fichier Edvige est rattaché à la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et à sa nouvelle sous-direction de l'information générale (Sdig), à laquelle revient une partie des attributions des RG, relatives au comptage des manifestants, aux violences urbaines ou aux conflits sociaux. Jusqu'à aujourd'hui, les fichiers des RG ne concernaient que les personnes majeures.

Le décret précise que "les données concernant les mineurs de 16 ans (c'est-à-dire âgés de 13 à 16 ans, ndlr) ne peuvent être enregistrées que dans la mesure où ceux-ci, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public".

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a émis un avis le 16 juin, paru mardi au JO, émettant des réserves sur le fichage des mineurs dès 13 ans. La Cnil "tient à préciser que le traitement de telles données appelle l'adoption de garanties renforcées" et doit par conséquent "être encadré (...) de façon à lui conserver un caractère exceptionnel et une durée de conservation spécifique".

Entendu par la Cnil, le ministère de l'Intérieur avait justifié ce fichage dès 13 ans "par les mutations affectant la délinquance juvénile", notamment dans les phénomènes dits de "violences urbaines", et avait fait valoir que l'âge de 13 ans correspondait à celui de la responsabilité pénale, peut-on lire dans la délibération de la Cnil. La Commission a estimé pour sa part que cette majorité pénale "ne saurait servir de référence" puisque le fichier ne vise qu'à "l'information générale du gouvernement". Le décret précise que le fichier Edvige et les données qu'il contient "ne font l'objet d'aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d'autres traitements ou fichiers".

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