Les Seigneurs de la mer
Par MdP, mercredi 9 avril 2008 à 22:07 :: Culture :: #25 :: rss
Le film-documentaire "Les seigneurs de la mer", réalisé par Rob Stewart est sorti aujourd'hui au cinéma. Le film appuie sur le fait que les océans sont les poumons de la planète, sur lesquels règnent le requin. Et pourtant quasiment personne ne se préoccupe de son sort. D'après les chiffres du film la population de requin aurait chuté de 90%, dû très largement à la pêche soit légale (c'est-à-dire que quasiment aucune loi ne protège les requins) soit illégale, mais dans ce cas avec la complicité des gouvernements corrompus (comme par exemple au Costa Rica). Le requin est particulièrement "apprécié" pour ses ailerons (soupe aux ailerons) qui sont dans de nombreux pays des symboles de richesse. Rob Stewart s'attaque également à l'image d'énorme monstre avide de chaire humaine que donne les médias (entre autres) du requin.
Synopsis du film
Depuis l'enfance, Rob Stewart se passionne pour les requins. À tel point qu'il est devenu biologiste et photographe sous-marin afin de pouvoir nager avec eux, décrypter leur mystère et déconstruire le mythe du requin mangeur d'hommes. Ce mythe, entièrement fabriqué, serait selon lui responsable de l'indifférence qui entoure, un peu partout dans le monde, le massacre de la population de requins à des fins commerciales. Du Costa-Rica aux Îles Galapagos en passant par le Guatemala, Stewart et l'équipage de l'activiste des mers Paul Watson tentent de dénoncer et de mettre en échec les braconniers à la solde de mafias asiatiques soutenues par des gouvernements corrompus. Il y va de l'équilibre écologique de la planète.
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Interview de Rob Stewart (plus interressantes que celle ci dessous) ici et là.
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Interview de Rob Sterwart :
Dans votre film, vous déclarez, chiffres à l'appui, que les distributeurs de sodas sont plus dangereux que les requins. Que voulez-vous dire ?
C'était important pour nous d'utiliser un exemple totalement différent de celui des requins. Ces derniers ne sont pas des mangeurs d'hommes, ils ont même peur d'eux. Nous voulions faire parler les statistiques. Vous n'avez qu'une chance sur un milliard d'être tué par un requin. Alors que vous avez bien plus de risques d'être tué par un distributeur de boissons. Les gens les secouent pour faire tomber une canette, et ils se font écraser ou écrasent un passant.
Est-ce que vous en voulez à Steven Spielberg d'avoir encouragé la psychose du requin avec "Les dents de la mer" ?
Non, en fait, Les dents de la mer était juste trop réussi, et il a eu le malheur de sortir alors que nous connaissions mal les requins. Du coup, pour les gens, chaque requin est devenu celui du film.
Mais vous ne vous êtes jamais fait de frayeurs en plongeant avec les requins ?
Non. On a passé deux ans dans l'eau pour faire le film, et on n'a jamais eu de problèmes. Dans le film, ceux qui sont dangereux, ce sont les hommes !
Les combats écologiques ne manquent pas. Pourquoi celui qui a pour objet la protection des requins est-il plus important que les autres à vos yeux ?
Parce que ces animaux sont sur Terre depuis extrêmement longtemps. En comparaison, les pandas ne sont là que depuis quelques millions d'années. Les requins font partie du squelette de notre écosystème. Si vous les éliminez, c'est comme si vous coupiez le pied d'une chaise. Tout s'écroule !
À part les requins massacrés pour leurs ailerons, qu'est-ce qui vous scandalise le plus ?
La pire des choses est probablement que les hommes pêchent 25 milliards de tonnes de poissons par an, alors que 8 millions de personnes meurent encore de malnutrition. C'est de voir comment nous utilisons notre planète, sans réaliser que nous tuons les écosystèmes dont nous dépendons pour survivre.
Pensez-vous que la planète soit foutue ?
Si nous ne changeons pas rapidement : oui ! Enfin non, elle s'en sortira, mais ce sont les humains qui seront foutus. Les gens ne savent pas ce qui se passe et s'ils le savaient, ils se battraient pour que ça change.
Que peut-on faire ?
Parler de ce film, alerter les pouvoirs publics, signer des pétitions, s'impliquer dans des organisations comme savingsharks.com, et manger moins de produits de la mer. Vous votez avec vos dollars. À chaque achat, vous encouragez l'industrie de la pêche.
On doit vraiment arrêter de manger du poisson, alors qu'on vient de nous dire d'arrêter de manger des hamburgers pour préserver notre santé ?
Nous devons surtout arrêter de manger les produits de la pêche industrielle. Les filets géants déposés au fond des océans remontent tout ce qui passe et 85% de ce qui est pris est gâché. Mais dans tous les cas, manger beaucoup de poisson est très mauvais. Les sushis et les sashimis sont incroyablement toxiques, car les toxines restent dans les corps gras comme ceux du thon ou du saumon.
Dans le film, vous poursuivez des braconniers pour les empêcher de pêcher les requins. Est-ce que vous ne pensez pas qu'ils font cela pour survivre ?
Absolument. Ce n'est pas la faute des pêcheurs. Nous montrons dans le film qu'ils vendent les ailerons de requins sur les marchés 15 cents le kilo, et quand ils arrivent en Asie, ils sont revendus 400 dollars le kilo. Le problème ne vient pas des pêcheurs, mais de la loi de l'offre et de la demande.
Mais comment faire accepter le développement durable à des pays en voie de développement ?
C'est difficile pour nous qui sommes dans une situation privilégiée, et qui consommons tant, de dire à ces pays : ne pêchez pas et ne consommez pas ! C'est hypocrite, et c'est pour cela que la situation est d'autant plus complexe. Mais le fait est que si rien n'est fait, la population des requins s'éteindra dans les cinq ou dix prochaines années.
Qu'avez-vous appris en faisant ce film ?
Que tout ce qui semble négatif peut devenir positif. Tout ce qui s'est passé pendant le tournage a été horrible. Ça devait être au départ un film sous-marin, l'histoire a pris un autre cap : nous sommes entrés en collision avec un bateau de braconniers, nous avons été accusés de tentative de meurtre, j'ai été pourchassé par la mafia, j'ai attrapé la fièvre jaune et la tuberculose en même temps, j'ai failli perdre ma jambe à cause d'une infection, mais cela m'a permis de filmer une meilleure histoire.
Pour terminer, est-ce qu'on vous confond souvent avec Rod Stewart ?
Oui, mais c'était pire quand j'étais gamin. À chaque rentrée, quand on appelait mon nom, toute la classe se retournait. Mais bon, il y a pire...
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