Chronologie des luttes dans les CRA
Par MdP, jeudi 21 février 2008 à 23:09 :: Réalités :: #13 :: rss
Une chronologie des luttes dans les Centres de Rétention Administrative (CRA), ainsi qu'un interview de Samir, sorti du CRA de Lyon. « Ils disent que c’est un centre de rétention, mais c’est une prison. »
La brochure au format PDF, à diffuser.
« Ils disent que c’est un centre de rétention, mais c’est une prison. »
''Interview de « X se disant Samir » à la sortie du centre de rétention de Lyon. Extrait de l’Envolée n° 19 mars 2007''
C’est quoi ton parcours ?
J’ai pris le train, direction Saint-Jean-de-Maurienne, le train s’est arrêté à
Chambéry, il y a des flics qui sont montés ; ils n’ont pas le droit de contrôler dans
une gare qui n’est pas internationale, pourtant ils ont contrôlé. Ils choisissent
et c’est l’arrestation. Les flics, ils sont de Lyon, ils sortent, et devant la gare, ils
demandent : « il est où, le commissariat ? » C’étaient des flics spéciaux. Personne
ne répondait : les gens croyaient que c’était une blague. Ils ont fait venir une
voiture de Lyon devant la gare alors que le commissariat était à 50 mètres. Je suis
resté deux heures dans ce commissariat, et après, ils m’ont amené à la police aux
frontières à Chambéry aussi (PAF). Premier interrogatoire : « t’es d’où ? », etc. ;
fouille à fond, ils cherchent la moindre trace de ton origine, ils lisent les bouts de
papiers qui traînent dans tes poches, les numéros de téléphone.
Toi, t’avais quoi comme papiers d’identité ?
J’avais rien du tout. Interrogatoire, « comment t’es rentré en France ? », faire les empreintes... et moi, j’avais quelques arrestations avant, j’ai fait quelques centres de rétention. Ils ont tout ressorti : les empreintes digitales, toutes les arrestations, la photo, le nom. Le nom,c’est celui que je donnais avant : « X se disant Samir ». J’ai quatre reconduites à la frontière (APRF), deux de Paris, une des Bouchesdu- Rhône, une de Lyon… Ils les ont toutes sorties et envoyé tout ça au Préfet qui décide s’il t’envoie en centre de rétention. J’ai attendu vingt-quatre heures en garde à vue à Chambéry ; et après, comme prévu, j’ai été amené au centre de Lyon le lendemain. A peine arrivé, fouille, photo… Je suis habitué à ça, c’est pour te faire ta carte d’identité à l’intérieur du centre. C’est une carte où il y a nom, prénom, numéro de chambre, adresse du centre et photo, mais pas d’empreintes digitales. T’as des papiers dans le centre pendant un mois (rire) et t’as pas le droit de traîner dans le centre sans tes papiers.
Dans le centre, ça se passe comment ?
Dans ce centre, il y a 120 places, mais il n’est jamais plein, il y a entre 80 et 100
personnes. Il y a deux couloirs et une petite cour entre les deux. Chacun des couloirs
est coupé en deux par un grillage. Le couloir famille, il est coupé en deux avec un
couloir pour les jeunes filles ; et le couloir homme, il est divisé en deux. La grille,
elle est ouverte la journée et fermée la nuit. Ils te réveillent vers 8 heures pour aller
déjeuner ; après, tu reviens dans ta chambre, t’as accès à tout le centre ; après,
vers 11 heures, ils ferment tout en disant qu’ils vont faire le nettoyage jusqu’à 14
heures ; mais tu retrouves ta chambre exactement pareil, mais les lits défaits. Moi,
je pense que c’est la fouille des chambres. Ils essayent de mettre la main sur les
papiers qu’on t’a filés pendant les visites pour prouver qui tu es. Même l’hiver, ils
laissent un bébé de quatre ou cinq mois dehors pendant trois heures, que tu sois
malade ou pas, ils s’en foutent, le temps de fouiller. Après, à 12 heures, ils appellent
pour la bouffe dans la salle à manger, et un truc bizarre se passe : quand tu bouffes,
après, tu te sens faible, t’as envie de dormir. Moi je pense, je suis pas sûr mais tout
le monde le pense, qu’il y a des médicaments dans la bouffe. Après, tout le monde
va dormir. Par contre, la bouffe du soir, à 6 heures, elle a l’air normale ; on ne peut
pas confirmer à cent pour cent, mais bon.
__T’as pu te balader et discuter avec tout le monde ? En fait, vous êtes
souvent ensemble ? T’es pas enfermé dans ta chambre ?__
Ils t’enferment la nuit de 10 heures du soir à 8 heures du matin. Ils disent que
c’est un centre de rétention, mais c’est une prison. En tout cas, c’est la situation
à l’intérieur. Avec le bureau de la Cimade qui sont des manipulateurs : c’est une
association qui s’occupe du droit des étrangers, et la première chose qu’ils te disent,
c’est de remettre ton passeport. Si tu le fais pas, ils te disent qu’on peut rien faire.
__La Cimade, c’est la seule association qui entre dans les centres
de rétention, officiellement pour apporter une aide juridique
indépendante aux sans-papiers, et là, ce que tu dis, c’est qu’ils
prennent le relais de l’administration, qu’ils collaborent directement
en disant qu’il faut avant tout donner ton identité ?__
Je sais que la première chose qu’ils disent, comme les avocats commis d’office,
c’est : « je peux rien faire » ; alors comme droit des étrangers, c’est un peu léger.
En regardant d’autres cas, même pas seulement moi, les demandes d’asile, ils les
transmettent, mais du coup, ils obligent à donner l’identité. Sinon, ça dure dix
secondes ; si tu donnes pas tes papiers, ils te donnent un numéro de fax, une carte
téléphonique si t’en as pas. Moi, je vois rien d’autre. Les demandes d’asile, elles
sont toutes refusées, et les gens qui ont donné leurs papiers, ils sont sûrs d’être
expulsés. Il y a aussi l’OMI (Office des migrations internationales), qui te permet
d’avoir des mandats, de recevoir des choses de l’extérieur, et là aussi tu dois donner
ton nom et ta nationalité.
__Tu peux expliquer pourquoi ça te paraît capital de ne pas donner
son passeport ?__
A partir du moment où tu donnes pas de passeport, ils savent pas d’où tu es ; et
pour les laisser chercher un peu, tu ne donnes même pas ton origine géographique,
car ils peuvent retrouver : faut toujours t’éloigner de 5, 6 pays. Si tu ne fais pas ça,
ils sont trop forts dans les interrogatoires. Ils te laissent un flic gentil, qui te dit :
« on peux t’aider que si tu donnes ton identité ». Ils vont jusqu’à dire qu’ils font
ce travail pour sauver des gens, puis quand tu marches pas dans leur truc, ils te
menacent de la prison. C’est pas seulement des menaces : à Lyon, j’ai vu plusieurs
personnes aller en prison, et ça fait peur aux gens qui sont dans le centre et qui
donnent pas leur identité, ils lâchent…
La chose importante, c’est de ne pas donner ton identité, ni ton origine, de ne pas
marcher dans leur truc. Ne pas traîner avec des papiers qui prouvent d’où tu viens.
Il faut toujours garder le même nom que tu as donné la première fois, même date
de naissance, mêmes noms des parents. Si tu changes pas, ils peuvent pas dire que
tu as menti et te poursuivre pénalement pour ça. Ils contactent le consulat que
tu as désigné, et si lui, il te déclare inconnu, ils réessayent les interrogatoires ; ils
regardent aussi avec qui tu traînes, avec qui tu parles, ils écoutent les conversations
au téléphone portable. Ce n’est pas une preuve pour t’expulser, mais c’est pour
savoir à quel consul ils vont t’amener.
Il y a des flics de toutes les origines à la PAF et des traducteurs sur place qui
traduisent les conversations au téléphone. Quand tu rentres, tu donnes ton
numéro de téléphone, et dès que tu appelles, ton nom s’affiche sur l’ordinateur
avec le numéro que tu as donné ; ils vérifient avec les caméras que c’est bien toi
qui téléphones avec. Il y a aussi des civils qui viennent dans la salle à manger pour
savoir de quelle origine tu es. Ils te tchatchent, te montrent qu’ils sont des humains,
qu’ils ont des enfants, et dans la conversation, ils disent en faisant semblant de
chercher un nom : « et, tu sais, là, l’autre, le Tunisien… comment c’est déjà ? »,
en espérant que tu dises : « non, lui il est Marocain. » Ils tentent des tas de pièges
comme ça.
Et toi, comment ça s’est passé à ton arrivée dans le centre?
Premier interrogatoire, un flic en civil dans son bureau. J’avais plus de cigarettes
après les vingt-quatre heures de garde à vue. Il m’en donne une, l’allume, fait le
gentil, sort le dossier, les quatre APRF : « cette fois, tu vas avoir du mal à t’en
sortir, mais j’ai vu ton dossier, t’as pas fait de délit, t’es un travailleur, un mec bien ;
je vais essayer de t’aider ; t’as galéré ; le moyen pour t’aider, c’est que tu donnes
ton identité » ; ça commence bien. Je lui dis : « je vais réfléchir ». Je lui donne
quelques alias et quelques pays (rire). Le mec, il me dit : « t’as dit t’es Algérien, t’es
Tunisien, mais moi je suis sûr que tu es Marocain » ; j’ai dit : « voilà, c‘est ça, je
suis Marocain… » ; là, il s’énerve,me menace : « si t’as décidé de me pourrir la vie,
moi aussi je vais te pourrir la vie, je vais te foutre en prison… » Le lendemain, c’est
un autre de la PAF qui m’appelle, et cette fois il fait pas le gentil, direct : « tu sors
pas de ce bureau si tu me dis pas d’où tu viens ». Je dis rien, je vais réfléchir pour
pouvoir sortir. Et ça recommence le lendemain. Ils m’emmènent au tribunal, je
parle à l’avocat commis d’office et lui explique le vice de procédure au moment de
l’arrestation, car c’était pas une gare internationale. Et puis devant le juge, il s’est
assis en déclarant : « je n’ai rien à dire ». Impossible de parler, le juge te dit de te
taire. C’est une machine. Tu peux faire confiance à personne, le but c’est expulser,
point barre. Le procès, il dure deux minutes pour chaque retenu. Le rendu, tu
l’as dix minutes après, hyper rapide ; il a donné une prolongation de rétention
de quinze jours à tout le monde. En fait, j’ai eu deux jours de centre de rétention
comme une sorte de dépôt avant de passer devant le juge ; là, il t’envoie quinze
jours en centre, le temps qu’ils te reconnaissent. Et si au bout des quinze jours, t’es
pas reconnu, tu repasses devant le juge qui te renvoie en centre pour quinze jours.
Ça fait en tout un maximum de 32 jours.
__Tu peux revenir sur ce qui s’est passé après ton premier passage
devant le juge ?__
A mon retour au centre après le passage devant le juge, j’ai commencé la grève
de la faim le 28 novembre. J’ai fait quatre jours tout seul. Avec menaces, deux
interrogatoires par jour ; quand t’es dans la cour, ils te parlent au micro ; par
exemple, je fumais dans le couloir avec 6 personnes, ils disent : « Samir, sors fumer
dehors ». Avec les caméras, ils voient tout ce qui se passe et te foutent la pression ;
encore plus quand il y a eu le rassemblement contre les centres de rétention à
Lyon, le 2 décembre. La veille, un flic qui a lu sur Internet le communiqué que
j’avais envoyé m’a déjà convoqué pour avoir des infos sur le rassemblement. Le
jour même, je suis encore convoqué au bureau. Evidemment, je dis que je ne suis
pas au courant. Ils me foutent la pression en disant qu’ils savent que c’est l’extrêmegauche,
des casseurs, des trucs comme ça. Je réponds que c’est mes amis et que je
les aime (rire). Bref, tous les jours ça se passe comme ça.
__Donc là, ils commencent à te reprocher de leur tenir tête, d’avoir
des liens avec l’extérieur et de faire sortir des informations ?__
T’écris sur une feuille et tu le communiques par téléphone ou tu le fais sortir
pendant une visite. C’est pas très difficile. Dans le centre de Lyon, même par la
fenêtre, il y a deux chambres où tu as accès à la rue.Tu ne peux pas lancer, car il y
a un grillage, mais tu peux crier ; les gens, ils peuvent te voir. Je suis resté quatre
jours en grève de la faim. Ils m’ont fait chier, menacé, et même si je suis habitué
aux centres, je sais que ça commence à être plus sérieux et je commence à les croire
un peu. Le juge aussi a parlé de trois ans de prison, et dans le centre, ils parlent de
deux mois. Le 4 décembre, j’ai fait le tour des chambres. Tout le monde s’est mis en
grève de la faim, sauf deux malades. Il y avait aussi la famille Raba à ce moment-là.
Le matin, personne va manger, le midi non plus, et là, les flics, ils commencent à
avoir peur, il se passe quelque chose qu’ils ne comprennent pas ; après on a donné
la liste des grévistes aux flics avec les signatures.
Très vite, ils ont commencé à appeler toute la liste un par un dans un bureau. Ils
menacent, profitent des gens qui parlent pas bien français. Ça a marché, tout le
monde a signé un papier comme quoi il arrête la grève, et en sortant du bureau
tout le monde allait manger. Du coup, à 6 heures de l’après-midi, la grève de la
faim s’est arrêtée. D’ailleurs, dans les hauts-parleurs, ils annonçaient que le soir il
y avait un menu spécial avec des frites.
C’est comme ça que ça se passe. J’essayais de convaincre les gens à la porte du
réfectoire en disant que c’était le jeu des flics. Je les empêchais pas, mais je leur
disais qu’ils s’étaient engagés, qu’à l’extérieur aussi des gens s’étaient engagés,
qu’il fallait pas lâcher. « Pourquoi t’as peur, t’es déjà enfermé, ils peuvent rien faire
de plus, c’est du blabla ce que disent les flics ». Un flic est venu m’empêcher de
continuer, il m’a attrapé, je l’ai frappé direct, un coup de poing dans le ventre… ses
collègues m’ont mis à l’isolement, ils gueulaient mais ils m’ont pas frappé. Je suis
resté quelques heures en isolement.
Il y a différents régimes d’enfermement…
Il y a l’isolement, c’est une cellule de 3-4 mètres carrés. Sans fenêtre. Ils peuvent te
laisser trois, quatre, cinq jours, comme ils veulent. Il y a des gens quasiment tous
les jours dans ces cellules. Après une bagarre, ou quelqu’un qui a gueulé, qui fait
n’importe quel truc, ils le mettent direct. C’est des chambres individuelles. Je sais
qu’il y en a au moins deux. Le lendemain, on était que 5-6 grévistes, on a décidé
d’arrêter. Les gens, ils commençaient à avoir peur de moi à l’intérieur, à cause
aussi de la bagarre avec le flic. Les téléphones portables sont pas interdits, c’est pas
comme à Vincennes. Après 6 heures, quand les cabines étaient fermées, je recevais
des appels sur les portables des autres, mais là, plus personne ne voulait me filer
son téléphone. J’ai galéré quelque temps. Je n’arrivais pas à savoir exactement,
mais en gros les flics disaient que j’allais finir en prison et donc que j’allais foutre
les autres dans la merde pour rien. J’ai dû attendre qu’il y ait de nouveaux arrivants
pour leur emprunter leur téléphone.
__
Comment ça s’est fini pour toi?__
Moi, j’ai eu deux consulats en tout. D’abord le consulat algérien, qui ne m’a pas
reconnu et qui a dit que j’étais Tunisien ; donc ils m’ont amené au consulat tunisien.
En principe, c’est lui qui se déplace au centre, mais là ils m’ont amené à Grenoble
pour le voir. Ils ont fait 150 km pour dix minutes. Trois flics en escorte. Le consul
tunisien n’a pas répondu non plus, il faisait une recherche et n’a pas donné sa
réponse dans le délai de trente jours. Même s’il m’avait déclaré inconnu, je serais
allé en prison, mais là il n’y a pas eu de réponse du tout. J’ai eu un coup de chance
de ne pas y aller parce que sinon, après deux mois de prison, tu reviens en centre
de rétention ; et après, c’est l’expulsion. Et si tu refuses l’avion, après tu retournes
en prison, etc.
T’as quelque chose à ajouter pour conclure ?
Ben… qu’il faut lutter à l’intérieur et pas oublier que tu ne peux pas faire confiance
à un flic.
Chronologie
20 décembre 2007
Des sans-papiers détenus au centre de rétention du Mesnil-Amelot (Seineet-
Marne) entament un mouvement de protestation : cahiers de doléances,
revendications écrites sur les vêtements ...
27 décembre
Certains des détenus commencent une grève de la faim, expliquant entre autre :
« Nous nous sommes fait arrêtés pour certains lors de démarches au commissariat,
pour d’autres lors de démarches administratives, pour beaucoup lors de rafles
anti-immigrés. Nous refusons d’être traités comme des sous-hommes et appelons
l’ensemble des gens qui pensent encore que nous sommes des êtres humains à
dire «Stop» à cette politique raciste. » Abou considéré par la police comme un
des meneurs du mouvement est transféré au CRA de Vincennes. Le même jour,
les détenus de Vincennes entament à leur tour une grève de la faim et refusent de
rentrer dans leurs chambres. Abou, qui passe devant le tribunal est libéré.
Dans la nuit du 28 au 29 décembre, 150 CRS font irruption dans le centre de
Vincennes pour forcer manu militari les détenus à rejoindre leurs chambres.
29 décembre
Le mouvement s’étend dans les deux centres de Vincennes où de nombreux sanspapiers
rejoignent la grève de la faim et refusent de rentrer dans leurs chambres.
Les CRS entrent à nouveau pour mater la révolte. Des prisonniers sont mis en
isolement. Mais les grévistes continuent d’exprimer leur détermination à ne pas
céder. Ils demandent l’arrêt de la politique du chiffre, des rafles et des expulsions.
Ce n’est pas une « amélioration des conditions de rétention » qu’ils veulent,
mais bien la fermeture des centres eux-mêmes, car ceux-ci ne peuvent pas être
humanisés.
30 décembre
Témoignage au CRA de Vincennes : « Il y a à peu près un mois, un sans papier s’est
évadé du centre de rétention de Vincennes. Depuis cet évènement, les policiers
sont particulièrement énervés et virulents envers les « retenus ». Par exemple, ils
entrent dans les chambres pour faire des fouilles à n’importe quelle heure de la
nuit, ils font entre 8 à 10 rondes par 24 heures, au lieu de 3 habituellement. Suite
à cette évasion, les policiers ont eu pour ordre de dénombrer, tous les soirs, les
sans-papiers pour vérifier qu’aucun ne s’est enfui. Avant hier, les retenus n’ont
pas accepté de se faire comptabiliser comme du bétail et ont refusé de remonter
dans leur chambre. Les policiers ont appelé les CRS en renfort qui ont passé une
partie de la nuit à Vincennes. Hier soir, routine. Les policiers exécutent leur tour
de surveillance et accusent un homme en train de fumer d’avoir fait entrer un
briquet en rétention. Ils le menottent pour l’emmener en isolement. Les autres sans
papiers jugent cet acte injustifié et interpellent à leur tour les policiers pour leur
demander de le relâcher. Ils font valoir leurs droits et leur refus de l’arbitraire.
Mouvement de masse, violences policières, au final, il y a trois blessés légers
parmi les retenus. Ils ont vu un médecin, apparemment pas de jambe cassée. Les
CRS sont revenus en renfort et sont restés jusqu’à 4 heures du matin. »
31 décembre
Peu après minuit un feu d’artifice a été tiré au-dessus du centre de rétention de
Vincennes.
02 janvier 2008
Les sans-papiers détenus au Mesnil-Amelot communiquent qu’ils poursuivent la
grève de la faim.
03 janvier
Une manifestation rassemble 200 personnes devant le centre de rétention de
Vincennes. La mobilisation prend de l’ampleur. Tous les jours des rassemblements
ont lieu devant le centre.
04 janvier
La préfecture organise une visite guidée pour les journalistes afin de prouver
que rien ne se passe à l’intérieur et que les conditions de détention n’y sont pas
inhumaines, les crapules relaient complaisament. Le même jour, Paul Wem,
prisonnier du Mesnil-Amelot également considéré par les keufs comme un meneur,
est expulsé vers le Gabon alors que le Tribunal administratif de Melun n’avait pas
encore statué sur le recours formé la veille contre son APRF (arrêté de reconduite
à la frontière). Or, il se trouve qu’il ne serait pas gabonais, mais camerounais. À ce
titre, l’accès au territoire gabonais lui est interdit – et il demeure enfermé, en zone
d’attente au moins dix-neuf jours.
05 janvier
Une manifestation rassemble un millier de personnes devant le CRA de Vincennes.
Parloir sauvage, chants et échange de slogans avec les détenus ; feu d’artifice
depuis le parking. Les flics chargent et matraquent, une personne est arrêtée, elle
sera relâchée le lendemain.
09 janvier
Les détenus nous racontent que le samedi 5 janvier, la police est venue les voir et
leur à demandé d’arrêter en échange d’une prochaine libération. Alors que la grève
de la faim a cessé, personne n’a été libéré et les pressions policières continuent :
les fouilles quotidiennes plusieurs fois par jour, les difficultés à voir un médecin...
Leur impression est que les autorités du centre veulent les diviser. Ce qui fait dire à
certains que si rien ne change d’ici demain, ils reprendront la grève de la faim.
10 janvier
Ne voyant aucune libération, les détenus ont refusé d’être comptés et de descendre
au réfectoire. Ils nous disent qu’ils restent solidaires et prennent les décisions
ensemble.
11 janvier
Ils continuent de se réunir et dénoncent la manière dont la police leur attribue
arbitrairement une nationalité, comment les détenus sub-sahariens sans passeport
sont présentés aux ambassades de Guinée, du Mali ou du Sénégal qui délivrent des
laissez-passer sans preuve de leur nationalité.
13 janvier
Un détenu témoigne de ce à quoi peut ressembler une journée au centre de rétention
de Vincennes. « Tous les matins on nous fouille. On descend au réfectoire vers 9
heures. Ce midi, on nous a servi des haricots blancs périmés depuis le 5 janvier.
Quand on l’a signalé, on nous a répondu qu’ils n’étaient pas là pour regarder les
dates. Qu’ils ne voulaient rien savoir. Quand on se repose, les policiers viennent
fouiller les chambres. La nuit, ils sont dans le couloir. Lorsque qu’on doit se rendre
aux toilettes, ils nous suivent et laissent la porte ouverte. Ils nous provoquent. Ils
nous dérangent la nuit en mettant l’alarme entre minuit une heure, pour qu’on ne
dorme pas. Malgré tout, on doit se réunir pour communiquer. Il ne faut pas qu’on
lâche. Il faut que tout le monde soit d’accord pour relancer la lutte. »
14 janvier
Nous continuons de téléphoner quotidiennement au centre de rétention de
Vincennes. On nous a confirmé que dans un pavillon, une vingtaine de personnes
ont refusé de s’alimenter pendant au moins trois jours.
15 janvier
Nouvelles du CRA de Vincennes : « On continue de discuter entre nous. On fait
des réunions entre les deux pavillons : une personne se rend au grillage pour
raconter aux autres ce qu’il se passe dans l’autre pavillon et vice-versa. »
16 janvier
« On a fait une réunion. On s’est parlé pour relancer le mouvement. Beaucoup de
personnes n’ont pas le moral. Il ne faut pas baisser les bras. »
19 janvier
Dans le cadre de la journée d’action contre les centres de rétention et contre la
directive européenne qui prévoit d’allonger la durée de rétention, 4000 personnes
manifestent jusqu’au centre de rétention de Vincennes. « Près de 400-500
personnes rentrent sur le parking. Les flics tentent de les en empêcher. Gros
pétards qui détonnent, caillasses, pots d’échappement, bouts de bois et cannettes
commencent à voler sur les gardes mobiles et les keufs. De l’autre côté, loin
derrière les différentes lignes de gardes mobiles, et derrières les barbelés du
centre, les retenus sont là. Ils gueulent «Liberté», ils chantent, agitent des draps
blancs ainsi que des banderoles. Ils ne semblent pas se laisser abattre et ils ont
l’air toujours bien déterminés. Pas d’arrestation, un feu d’artifice tiré, une voiture
(de keufs ou de bourge ?) a vu un de ses pneus crever... Le soir même, la police est
entrée dans les chambres pour fouiller et retourner les matelas. »
Des manifs ont lieu dans de nombreuses autres villes contre les centres de
rétention : Angers, Nîmes, Lyon, Rennes ... A Toulouse, une personne enfermée
crâme son matelas au moment du rassemblement.
22 janvier
Depuis le matin, 20 sans-papiers (sur les 30 présents) retenus au CRA de Palaiseau
sont en grève de la faim pour obtenir leur libération. À minuit, à Vincennes, les
détenus ont refusé d’être comptés et de rentrer dans leurs chambres. Ils ont essayé de
dormir dehors. Les CRS sont intervenus pour les obliger à réintégrer leurs chambres.
Tout le monde criait L-I-B-E-R-T-É.
23 janvier
A Vincennes, des détenus ont mis le feu à leur chambre, en brûlant des papiers.
La police et les pompiers sont intervenus. Ambiance extrêmement tendue. 6
personnes en grève de la faim au centre de rétention de Nantes. Un rassemblement
est appelé le jour même devant le centre.
24 janvier
Certains détenus ont refusé de manger et ont jeté la nourriture sur le sol.
25 janvier
Depuis 18h30, les sans-papiers du centre de rétention de Vincennes se battent
contre la police. Ils ont commencé par refuser de se rendre réfectoire pour protester
contre les traitements indignes qu’on leur inflige tous les jours. 21 heures : un
détenu nous raconte que Brard (député-maire de Montreuil) est venu dans le
centre de rétention : « Il nous a dit qu’il fallait respecter les policiers. Il nous a
dit qu’ils n’étaient pas responsables et que les décisions venaient de plus haut.
Les gens lui ont répondu qu’ils ne cherchaient pas améliorer leurs conditions de
détention, ils veulent la liberté. ». Une chambre a déjà été incendiée. Sur place, on
parle d’émeutes. A Nantes, un des grèvistes de la faim est libéré. Un autre considéré
comme un des meneurs est envoyé sur Rennes.
26 janvier
Entre 16h et 20h, une trentaine de personnes se rassemblent en solidarité
devant le centre de Vincennes. Fort déploiement de flics qui tentent de canaliser
le rassemblement loin des grilles, mais à deux reprises des parloirs sauvages
s’improvisent avec cris et échanges de slogans avec les retenus. Ensuite le parking
est évacué manu militari.
Compte rendu de détenus : Midi « Un premier feu a pris dans les toilettes.
Ensuite, deux chambres ont brûlé. On a refusé de manger. On a empêché l’accès
au réfectoire en bloquant les portes. La police nous a demandé de laisser passer
ceux qui voulaient manger. Ils ont fini par nous dégager. Mais seulement une
minorité est allé manger. » Pendant le rassemblement (15h) : « La police nous
empêche l’accès à la passerelle depuis laquelle nous pouvons vous voir. Mais nous
pouvons vous entendre. ». 18h : « Une soixantaine de CRS sont entrés dans le
centre. Ils ont fouillé toutes les chambres. Ils nous ont fouillé. Ils ont trouvé un
briquet. Ils ont transféré deux personnes dans l’autre bâtiment. » Le soir, des
détenus sont tabassés.
27 janvier
La tension ne cesse de monter depuis hier soir au centre de rétention de Vincennes.
Les familles ont attendu en vain de pouvoir rendre visite à leur proche. Les
affrontements directs entre sans-papiers et policiers ont repris dès cet après-midi.
Deux départs de feux ont de nouveau nécessité l’intervention des pompiers. Un
sans-papier qui doit sortir tantôt expliquait se faire tout petit, rester dans son
coin pour ne pas se faire remarquer : « on dirait que c’est la guerre ici ». Autres
échos à 15h : « Aujourd’hui, dans le bâtiment deux, le feu a pris dans une chambre
de quatre personnes. Les pompiers sont entrés pour éteindre le feu. Ils nous
ont enfermés dans le réfectoire. 20 policiers sont venus chercher 4 personnes
violemment. Ils sont en garde-à-vue pour avoir mis le feu au centre. »
Vers 15 heures, une soixantaine de personnes tentent de se rassembler pour
protester contre le camp de rétention de vincennes, mais la présence policiére
massive encadre immédiatement le rassemblement.
28 janvier
Rassemblement d’une vingtaine de personnes à Nantes devant le CRA au
commissariat Waldeck-Rousseau, où un détenu continue la grève de la faim
entamée le 20 janvier. Des slogans sont lancés au rythme des tôles ondulées du
chantier. Un rassemblement est appelé tous les soirs devant le Centre à partir
de 17h30. A Rennes, au CRA de St Jacques de la Lande une grève de la faim a
également débuté.
Au Centre de Vincennes, l’ambiance est extrêmement tendue. Trois tentatives de
suicide et les personnes sont transportées à l’Hôtel Dieu. Quatre détenus sont mis
en isolement : motif, ils parlent trop avec les «agitateurs « de l’extérieur, ou ils
se sont mis en colère pour une visite supprimée. Quatre autres personnes sont
extraites du Centre et placées en garde à vue. Considérés comme meneurs, ils sont
accusés de la mise à feu des chambres.
29 janvier
A l’issue de la garde à vue, deux des personnes sont relâchées et ne sont pas
ramenées en centre de rétention. Deux autres détenus qui ont fait une tentative de
suicide sont libérés.
30 janvier
Les deux autres personnes placées en garde à vue, sont transférées au dépôt
pour passer devant la 23ème chambre correctionnelle à Cité. Pour l’une d’entre
elles, le dossier est directement classé par le procureur faute d’éléments, elle est
relâchée. La deuxième passe en comparution immédiate. La qualification retenue
est «incendie involontaire avec une cigarette oubliée allumée». Il prend deux mois
avec sursis mais est immédiatement libéré. Les quatre sont donc libres. Au Centre
de Vincennes, deux nouvelles tentatives de suicide.
31 janvier
Des détenus contactés par téléphone à Vincennes expliquent que certains d’entre
eux sont toujours en isolement, d’autres en grève de la faim, d’autres désespérés
parlent de suicide.
1er Février
Une quinzaine de détenus déchirent leurs cartes (qui servent à la fois à avoir accès
à la bouffe, au médecin, à la Cimade, mais aussi à vous contrôler à chaque instant
et à vous compter à minuit). Ils les jettent ensuite dans le couloir.
3 Février
Un détenu explique que la situation est toujours tendue dans le Centre : de
nombreuses personnes sont en grève de la faim, tous les jours il y a des tentatives
de suicides (par pendaison, médocs ou en se tailladant les veines). Après passage à
l’Hôtel Dieu, c’est très aléatoire : ces personnes sont soit relâchées, soit ramenées
au Centre. Il dit aussi que des bagarres éclatent régulièrement avec les flics et que
ces derniers flippent qu’ils foutent le feu. Le rassemblement et les feux d’artifice de
samedi soir ont bien été entendus à l’intérieur. Ça fait toujours chaud au coeur...
Au CRA 2, des détenus se sont réunis pour écrire une lettre au commandant du
centre. La police a voulu isoler la personne qu’il jugait être à l’initiative de cette
lettre. Les détenus s’y sont opposés. Deux d’entre eux ont été mis en isolement,
un autre a le doigt cassé. CRA 1 : « Dimanche, on a refusé de manger le midi et le
soir. La nourriture était périmée. On a décidé d’écrire une lettre au commandant.
Pendant qu’on l’écrivait un policier est passé dans le couloir pour demander ce
qu’on faisait. Il a ajouté que c’était n’importe quoi. Quelqu’un lui a répondu « ta
geule ! ». Il est parti et il est revenu avec 5 collègues. Ils ont voulu le prendre
récupérer la lettre. On a refusé. On a dit qu’il n’avait rien fait qu’il ne faisait
qu’écrire une lettre. On a manifesté pour qu’il laisse le monsieur. Alors, une
quarantaine de policiers du centre ont débarqué et nous ont frappés. Un monsieur
a le doigt cassé. Il a un certificat médical. Il a porté plainte contre le policier avec
la Cimade. Ce soir on a une réunion tous ensemble. » « On a voulu écrire une
lettre au commandant. À ce moment-là, un monsieur égyptien est venu me voir
pour me demander s’il pouvait dormir avec des gens qui parlent la même langue
que lui. Le policier était pressé de le ramener dans sa chambre. J’ai répondu au
policier de nous laisser nous entraider et de se taire. Cinq autres policiers sont
revenus pour m’enmener. Les autres retenus s’y sont opposés. Ils sont alors
revenus à vingt pour m’emmener. Les autres retenus s’y sont opposés. Ils ont
cassé le doigt à un monsieur et ils ont gardé deux personnes. Pendant tout ce
temps, on s’est mobilisé pour qu’ils les libèrent. Ils ont finalement été relâchés. »
04 Février
« Hier, une quinzaine de personnes ont déchiré leurs cartes et les ont jetées dans
le couloir. La police nous parle mal. Les rasoirs qu’ils nous donnent, je ne sais
pas ce qu’ils ont. Parfois, je me demande s’ils n’ont pas déjà servi. Tous les gens
qui s’en servent ont des boutons. Hier soir, un nouveau retenu est arrivé, les flics
ne lui ont pas donné de chambre, ils lui ont dit : « trouve-toi une chambre ».
Ils font cela quand il n’y plus de place dans le centre. Les refus de comptage, je
dirais que c’est presque tous les jours. Parfois, on refuse un peu. Parfois, on refuse
beaucoup. »
05 Février
CRA 2 : « Il n’y a toujours pas de chauffage. Le soir, il fait froid dans les chambres.
Ça fait 11 jours que je suis ici. C’est la première fois que je rentre dans un centre de
rétention C’est une prison, ça rend les gens dépressifs. Moi, je ne m’alimente pas
depuis 11 jours. Hier soir, les flics ont éteint la télé. Un jeune a demandé aux flics
de la rallumer. La policière lui a répondu : « Va te faire enculer ! » Il lui a sauté
dessus. Ils se sont battus. Ils l’ont placé en isolement. On a manifesté pendant
20 minutes pour qu’il en sorte. Ils l’ont sorti de l’isolement. Aujourd’hui, il a été
libéré. Ils m’ont retiré mon portable parce qu’il y avait une caméra. On n’a pas le
droit d’avoir de stylos ni de papier. »
« Je suis passé hier devant le Juge des Libertés et de la Détention. On était
sept. C’était décidé d’avance. On a tous pris 15 jours de plus. Tout à l’heure, le
commandant m’a reçu dans le couloir. Je lui ai parlé de nos préoccupations. Ils
nous ramènent des jeunes policiers qui nous insultent. Nous avons des problèmes
pour accéder aux soins. Des personnes sont expulsées sans être averties à l’avance.
Ils viennent les chercher tôt le matin pour les emmener. Les gens du guichet ne
nous respectent pas. Quand nous avons besoin de leur demander quelque chose,
ils ne nous répondent pas. Ils restent à parler au téléphone. La nourriture est
périmée. Les briquets sont interdits. Si nous voulons fumer, il faut demander du
feu aux policiers qui disent ne pas en avoir. Les policiers se moquent de nous.
Ils nous disent qu’ici on est nourri et logé et nous demandent ce que l’on veut
de plus. Ils nous manquent de respect. Parmi les policiers certains sont racistes.
Ils disent qu’ils sont chez eux et pas nous. Ils veulent créer des problèmes entre
les ethnies. Lorsqu’on refuse de manger, ils nous disent de laisser manger les
Chinois, de laisser manger les Congolais. Mais nous sommes tous d’accord pour
ne pas manger et personne n’est forcé. Nous, on veut notre liberté. On n’est pas
venu en France pour aller en prison. On a dit au commandant qu’aujourd’hui
nous attendions des réponses à notre lettre. »
07 Février
« J’ai parlé au commandant au sujet de la lettre. Il m’a dit l’avoir faxée au préfet.
Mais il n’y a toujours pas de résultats. Des gens ont été libérés. Des nouveaux
arrivent dans le centre. Je ne peux pas leur parler de la lutte tout de suite. Je dois
d’abord leur expliquer comment fonctionne le centre. Ils doivent d’abord régler
leurs affaires avec l’ambassade. C’est dur de les convaincre. »
08 Février
CRA 1 : « Il y a un peu de calme. La plupart des anciens, les plus combattants ont
été libérés. Il y a beaucoup de nouveaux. Il ne peuvent pas tout de suite se mettre
à protester. Il faut qu’ils voient et qu’ils comprennent. Ceux qui sortent de gardeà-
vue, ils ont faim, on ne peut pas leur dire de ne pas manger. Pour l’instant, il n’y
a pas de coeur à faire des choses. Moi aussi, j’ai senti que j’étais en danger. Mais,
je sais qu’il est important que nous exprimions notre colère. On a toujours pas eu
de réponse à la lettre que nous avons écrite. On s’est un peu arrêté. Quand nous
faisons des choses à l’intérieur notre but est de mobiliser les associations. Si elles
ne se mobilisent pas, c’est difficile. »
Nous les informons de la manif du lendemain. « C’est bien, cela va nous faire
plaisir. On va essayer de sortir et de manifester avec vous. » Nous leur expliquons
que la police nous empêche d’approcher trop proche du centre... « Nous aussi, elle
nous empêche de venir vous voir. »
« Il y a un garçon malade. Il était dans une chambre en bas proche de l’infirmerie.
Quatre policiers sont venus pour l’emmener de force dans une chambre en
haut. Nous sommes tous sortis des chambres et nous avons dit aux policiers de
l’emmener à l’hôpital ou de le laisser dans la chambre proche de l’infirmerie. Ils
l’ont finalement emmené à l’hôpital. »
09 Février
Nous appelons depuis le rassemblement devant le centre de rétention de Vincennes.
CRA 1 : « On vous entend. Nous aussi, on a manifesté à l’intérieur pour vous
accompagner. Une personne a été mise en isolement. On s’est tous rassemblés.
Une personne de chaque communauté est présente. On discute de ce que l’on peut
faire dans les prochains jours. Il faut que vous restiez mobilisés. » CRA 2 : « On
est sortis dehors. On vous a vus. On s’est tous mis à la grille et on a crié liberté.
J’ai l’impression qu’en France tout le monde devient « bleu ». Les policiers étaient
plus nombreux que vous les manifestants. »
10 Février
« Ce midi, nous avons refusé de manger. La date de péremption de la nourriture
est aujourd’hui. Nos proches ne peuvent pas nous amener à manger dans le centre.
Les policiers disent que c’est interdit. Nous devons aussi acheter nos cigarettes
dans le centre. On en dépense de l’argent ici. »
11 Février
« Les gens n’ont pas le moral. Plus personne ne descend dans les salles communes.
Le réfectoire et la salle télé sont vides. Les gens restent dans leur chambre. On
sort s’asseoir dehors entre 14 et 16 heures quand il y a du soleil. Je suis là depuis
18 jours et je suis fatigué. J’ai envie de sortir. »
12 Février
A 1h25 du matin, nous recevons un coup de téléphone de quelqu’un avec qui nous sommes en contact à l’intérieur du centre : « Tout a commencé vers 23h30 suite à une provocation de la police. Nous étions devant la télé. La police a éteint la télé sans rien dire, sans explication. On a demandé qu’ils la rallument. Ils n’ont pas voulu. Le ton est monté très vite. Ils ont voulu prendre une personne pour la mettre en isolement. On a empêché la police de le prendre. Ils nous ont demandé de monter dans les chambres pour le comptage, on a refusé. Alors, ils sont revenus en nombre. Ils étaient plus de 50. Ils y avaient des CRS et des policiers. Ils nous ont séparés en deux groupes puis ils nous ont tabassés dans l’escalier, dans le couloir dans les chambres. Je dirais qu’il y a cinq personnes blessées dont deux graves. L’un semble avoir le bras cassé, l’autre le nez cassé. Pour celui qui a le nez cassé, ils sont rentrés dans sa chambre et ils l’ont tabassé. Il y a plein de sang dans sa chambre et dans le couloir. L’infirmier est venu et il a dit qu’il ne pouvait rien faire et qu’il fallait appeler les pompiers. Les pompiers sont venus. Ils ont emporté cinq ou six personnes. Certains sont à l’hôpital, d’autres sont en isolement, on ne sait pas trop. » Témoignage recueillis ce matin mardi 12 février 2008 à 11h. « Entre 3h30 et 4 h, ils sont venus nous fouiller. Ils nous ont tous sortis dehors. Certains n’ont pas eu le temps de s’habiller. On a attendu une demi-heure dans le froid. Pendant ce temps-là, ils ont fouillé les chambres. Puis, ils nous ont fouillés 10 par 10. Quand nous sommes rentrés dans les chambres, on a trouvé un Coran déchiré et piétiné. Des chargeurs de portables détruits, les fils coupés, des téléphones avaient disparus. » Départ et mise à feux de deux chambres 3h. Deux blessés graves emmenés à l’Hôtel Dieu dans la nuit. Cet après midi, un est rentré au CRA avec le certificat medical : traumatisme crânien sans perte de connaissance, avec plaie et agrafes, et hématomes importants au bras. Le deuxième n’est pas revenu ce soir, il aurait le nez cassé. Les 4 personnes considérées comme responsables des violences ont été transportées au CRA2.
Chronologie mise à jour le 17 février 2008.
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Ajouter un commentaire
Les commentaires pour ce billet sont fermés.