Suicide dans une prison pour mineurs
Par MdP, dimanche 10 février 2008 à 12:02 :: Réalités :: #6 :: rss
Samedi 2 février un adolescent de 16 ans s'est pendu dans sa cellule de l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Meyzieu. Hier une manifestation a été organisé afin de protester « contre les politiques sécuritaires actuelles, la répression policière et l’enfer des prisons françaises ».
Manifestation à Meyzieu contre les prisons pour mineurs
En soutien à la famille et aux proches du jeune de 16 ans mort au sein de la prison pour mineurs de Meyzieu, en soutien aux détenus, devant l’échec total des prisons pour mineurs, venons manifester à Meyzieu ce samedi 9 février 2008 : rendez-vous à 15h30 devant la mairie.
Le vendredi 25 janvier, à la nouvelle prison pour mineurs, appelée pudiquement EPM (Etablissement Pénitentiaires pour Mineurs) à Meyzieu, dans la banlieue de Lyon, un jeune détenu met le feu à sa cellule, en transformant son tee-shirt en torche pour le jeter dans la cour. Malgré ce sérieux appel au secours et malgré les avertissements d’éducateurs extérieurs indiquant clairement que la place de ce jeune n’était pas en prison, la juge des enfants a décidé récemment de prolonger encore son emprisonnement. Huit jours plus tard, il est retrouvé mort, pendu au système d’aération de sa cellule.
L’administration pénitentiaire, redoutant une nouvelle explosion au sein de la prison, décide alors de camoufler cette mort pendant tout le week-end. L’info finit pourtant par sortir le lundi 4 février et provoquer dès mardi quelques remous politico-médiatiques.
Les EPM, qui avaient été médiatisés bruyamment comme des prisons « humaines », « éducatives », « conviviales » se sont révélés depuis leur ouverture un désastre aussi glauque que prévisible : intervention brutale de milices de super-matons cagoulés (ERIS) pour mater les jeunes détenus, pédagogie du remplissage frénétique pour occuper et observer les jeunes en permanence sans leur laisser d’espaces de repli, déprime et protestations des personnels contractuels et matons ayant conservé un recul critique ou tout simplement flippés par la situation, obstination des bureaucrates d’une structure ultra-hiérarchisée malgré la tension qui grimpe...
Face à ce désastre, les jeunes détenus se révoltent par des mutineries, (destruction d’une partie des locaux de Meyzieu quelques jours après l’arrivée des détenus), hurlements entendus par le voisinage, rebellions quotidiennes et évasions (comme récemment à la prison pour mineurs de Marseille) ou beaucoup plus tristement ici par des voies de fuite individuelles et suicidaires. Mais après s’être tant vanté de ses solutions miracles à la délinquance des jeunes, l’État s’efforce maintenant de camoufler les cadavres...
Nous appelons à un rassemblement contre ces structures d’enfermement pour mineurs le samedi 9 février.
Rendez-vous à 15h30 devant la mairie de Meyzieu pour aller jusqu’à la prison pour mineurs dans le quartier du Mathiolan
- pour apporter un soutien à la famille et aux proches de ce jeune mort le 2 février au sein de la prison pour mineurs de Meyzieu ;
- pour apporter un soutien aux détenus et à leurs familles ;
- parce que nous pensons qu’il est crucial de visibiliser ce qui se passe réellement dans ces prisons.
Nous appelons à des rassemblements similaires devant les EPM déjà ouverts ou encore en construction en France. Nous espérons rassembler dans ce sens tout ceux qui s’insurgent contre les politiques sécuritaires actuelles, la répression policière et l’enfer des prisons françaises. Rappelons à ce titre que le type de décès survenu à Meyzieu, suicides maquillés ou non, sont relativement fréquents en France dans les prisons classiques.
Le rassemblement de samedi est aussi un appel à se montrer solidaire avec tout-es celles et ceux qui pourraient connaitre les geôles de l’État pour leur engagement anti-carcéral.
Quelle opposition à l’enfermement des mineurs ?
Depuis l’annonce en 2005 de la construction de ces EPM, une opposition aux formes multiples s’est structurée en France : constitution de collectifs unitaires d’éducateurs et militants syndicaux, occupations des arbres du chantier de l’EPM d’Orvault, neutralisation de machines pour retarder l’avancée des travaux, manifestations... Récemment, un des principaux syndicats d’éducateurs, la FSU, a relancé un appel à l’insoumission et au refus de travailler dans les EPM afin d’espérer bloquer le fonctionnement de ces structures. Des professeurs de l’enseignement public ont aussi refusé d’y intervenir.
Des prisons pour mineurs... aux politiques sécuritaires
En 2004, Le gouvernement avait annoncé la construction de 7 « établissements pénitentiaires pour mineurs » de 13 à 18 ans. Ils étaient censé offrir 420 nouvelles places d’incarcération s’ajoutant aux 850 existantes dans les quartiers pour mineur.es des prisons. Quatre d’entre eux sont déjà ouverts à Nantes, Marseille, Lyon et Toulouse, les autres sont encore en construction. Dans le même sens, le nombre de centres éducatifs fermés (CEF) et de centres éducatifs renforcés (CER) est en train de s’accroître.
Ce renouveau des structures d’enfermement des mineur.es s’inscrit dans un renforcement sécuritaire généralisé : création de nouveaux délits et abaissement de la responsabilité pénale pour les mineurs, peines plancher et rétention de sûreté, généralisation du fichage ADN et de la vidéosurveillance, du contrôle biométrique dans les écoles, harcèlement constant de la BAC dans les quartiers populaires et rafles d’étranger.es dans les villes... Tout cela se mettant en oeuvre avec une pression industrielle énorme puisque bon nombre d’entreprises misent aujourd’hui leur essor économique sur l’écoulement de produits high-tech de contrôle social.
En plein boom depuis septembre 2001, omniprésente à la télé et au centre de tous les enjeux politiques, la propagande sécuritaire déchaîne la peur des autres et cherche à soumettre à la domination économique et sociale en divisant la population. Il s’agit maintenant pour l’État de désigner des délinquant.es dès le plus jeune âge et de les punir. L’objectif est de mater les classes défavorisées dans une société où l’absence de perspective de vie épanouissante et la violence des inégalités nourrit logiques de survie, frustrations rageuses et encore régulièrement quelques sursauts de révolte collective.
Comptant sur un oubli du bilan désastreux des bagnes pour enfants et autres formes d’enfermement du passé, l’État voudrait convaincre du bien fondé et de la modernité des EPM. Nous affirmons pour notre part que l’on ne construira pas un monde plus vivable en enfermant, brisant et torturant des individu.es. La prison instaure la punition en système, elle existe pour préserver l’ordre établi. Elle est un supplice qui, malgré tous les discours de rénovation et de réformes, reste essentiellement dégradant et humiliant.
Face aux prisons, construisons des solidarités et des insoumissions Provoquons ensemble la fermeture des prisons pour mineurs, CEF, et l’arrêt du programme de construction de ces murs de la mort Contre toutes les prisons !
Pour plus d’infos :
panoptique.boum.org _des textes et infos sur les luttes contre l’enfermement des mineurs ainsi que plus généralement sur le contrôle social (biométrie, fichage ADN, vidéosurveillance...)
tomate.poivron.org un site sur les oppressions et discriminations que subissent les enfants
Publié par Rhizome
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Un garçon de 16 ans s'est pendu dans sa cellule à Meyzieu
JUSTICE - Pour la première fois, un adolescent s’est pendu dans un des établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM). Le premier ouvert en France, l’an passé. Cela s’est produit samedi matin, à Meyzieu (Rhône). Il avait 16 ans, avait été incarcéré le 17 décembre. Et s’est pendu au système d’aération de sa cellule. La direction régionale de l’administration pénitentiaire indique que le garçon avait déjà essayé, une semaine après son arrivée. Il s’était alors démis l’épaule en tombant dans sa tentative. Le suicide a été caché tout le week-end aux autres détenus, pour éviter une explosion. Car à Meyzieu, les incidents se multiplient l'ouverture, et la situation paraît intenable...
L’EPM a accueilli ses premiers mineurs le 11 juin 2007. Huit jours plus tard, une partie des locaux étaient mis à sac, à coups de pieds et d'extincteur. Certains éducateurs et surveillants estiment que l’arrivée avait été mal préparée, le «cadre» mal posé. «Nous sommes dans une expérimentation qui change beaucoup le rapport aux lieux, aux règles, défend pour sa part Paul Louchouarn, directeur régional adjoint de l’administration pénitentiaire en Rhône-Alpes. Les EPM présentent des espaces plus ouverts, moins contenants. Cela peut déstabiliser des mineurs qui ont besoin de canaliser leur sentiment d’insécurité».
Aberrations.
L’établissement cumule aussi les dysfonctionnements. Surveillants et éducateurs sont en sous-effectif, et censés travailler en «binôme», ce qui constitue une «révolution culturelle» délicate lorsqu’une partie des éducs découvrent le métier. La Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) fait appel à de nombreux jeunes sortant de formation, et à des contractuels. «Il aurait fallu privilégier une montée en puissance très lente, comme nous l’avions préconisé, pour apprendre à travailler ensemble et s’adapter aux dysfonctionnements», estime Alain Dru, secrétaire général de la CGT PJJ. Au lieu de cela, l’ouverture a été très politique et très médiatique. Il fallait montrer vite que cela fonctionnait». Et depuis, il faut cacher que cela fonctionne mal.
Les professionnels n’ont pas été concertés avant la construction. Résultat : les aberrations s’accumulent. La psychologue ne dispose d’aucun bureau pour les entretiens en tête-à-tête. Elle s’installe au gré des salles disponibles. «Elle va bientôt pouvoir partager un bureau aux services médicaux», rassure Paul Louchouarn. Les éducateurs, censés préparer la sortie des mineurs, ne disposent pas de téléphone pour joindre les familles, les magistrats et les partenaires censés préparer la réinsertion. Pour appeler, ils allaient jusqu’à présent dans le bureau de la secrétaire de l'EPM. Une deuxième ligne a été installée dans un bureau à l’écart.
Hiérarchie.
Dans les premiers temps, les mineurs de Meyzieu ont par ailleurs fait face à une véritable suractivité. Sport, cours, activités culturelles, comme s’il fallait les occuper en permanence. Des journées interminables et qui tranchaient très brutalement avec l'inoccupation du quartier, ou de certains quartiers des mineurs. L’utilisation du temps judiciaire doit aider à préparer la réinsertion, «mais cela les a privé de l’espace de repli, de protection, que peut constituer la cellule, explique un éducateur. Ils étaient constamment en groupe, sous le regard des autres, et cela attisait aussi les tensions».
Le rythme de ces activités a un peu baissé, mais personnels et mineurs découvrent souvent le programme au jour le jour. «Où qu’il soit, un gamin a besoin de savoir le matin ce qu’il fera dans la journée, pointe Jean-Claude Vaupré, de la CFDT Justice. Il a besoin de rencontrer des adultes et des règles claires.» La hiérarchie est par ailleurs perçue par beaucoup comme trop «autoritaire», trop «rigide». Selon un professionnel, «les surveillants, qui étaient très investis dans les quartiers pour mineurs, se retrouvent infantilisés, réduits au rôle d’exécutants.» L’inverse de ce que préconisent les règles pénitentiaires européennes.
Passages à l’acte.
La démobilisation serait forte, et selon les syndicats, les congés maladie et demandes de mutation en hausse. Paul Louchouarn répond que le taux d’absentéisme et de congé maladie est «plutôt inférieur à la moyenne régionale». Mais il concède : «Je ne peux pas nier qu’il peut y avoir une déception par rapport aux attentes de personnels qui sont arrivés très motivés.» Certains surveillants avaient demandé l’EPM pour se rapprocher de Lyon. Tous les autres parce qu’ils voulaient s’investir autrement auprès d’adolescents. «Ils se sentaient éducateurs dans les quartiers pour mineurs, leur fonction s’est considérablement réduite à Meyzieu, observe Jean-Claude Vaupré. Ils se retrouvent à gérer des repas collectifs ingérables. Nous avons alerté de façon répétitive. A présent, il est temps de remettre à plat tout le projet».
La direction régionale relativise les problèmes de violence. Mais un magistrat parle d’un «mélange explosif», d’une «spirale folle». Une surveillante a été envoyée à l’hôpital, cette semaine, par deux des jeunes filles qui viennent de rejoindre l'EPM. «Des mineurs qui ne bronchaient pas en maison d’arrêt deviennent des caïds à Meyzieu», observe un professionnel. La plupart des pensionnaires vont mal. Vendredi 25 février, l’un d’eux a mis le feu à sa cellule, en transformant son tee-shirt en torche pour le jeter dans la cour. Il multipliait les «comportements à risque». Huit jours plus tard, il s’est pendu. Ol.B.
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